Principe de fabrication traditionnel vs fabrication intelligente

Le mois dernier, j'ai discuté avec un ancien collègue. On travaillait ensemble à l'époque en production (ça me paraît une éternité !). On a fini par parler du bon vieux temps, de nos boulots, des situations rocambolesques dans lesquelles on se retrouvait sans le moindre explication, et de tous ces moments drôles qu'on avait ratés. Au beau milieu de cette discussion, on s'est rendu compte qu'on faisait le lien entre ces souvenirs épars et ce qu'on appelle aujourd'hui les « principes traditionnels de production ». À l'époque, on ignorait même que ces situations avaient des noms.

Après nos études, nous avions tous deux intégré l'industrie manufacturière comme jeunes diplômés. Pleins d'enthousiasme et complètement novices, nous étions curieux de comprendre comment un simple fil de coton pouvait se transformer en t-shirt ou en tissu. Je ne travaillais pas directement sur les machines, mais j'étais constamment entouré d'elles, arpentant l'atelier, écoutant et ressentant leur bruit, leur aspect gras et leur incessant mouvement. Avec le recul, je réalise que, plus encore que les machines elles-mêmes, j'étais imprégné de cette culture de la répétition, de ce processus, de cette sagesse ancestrale que personne ne nous expliquait vraiment, mais que tout le monde suivait.

On avait des systèmes (enfin, un peu le bazar, mais ça fonctionnait). Des tonnes de feuilles Excel (même si on implémentait SAP R2). On courait partout entre les services, on transportait des dossiers, on courait après les signatures. Le service planification était en contact avec tout le monde. Tout reposait sur la compétence de chacun. Et du papier. Tellement de papier. Sur le moment, ça ne nous paraissait pas inefficace. On avait l'impression que c'était normal.


Compréhension des lois traditionnelles sur la fabrication

Après plus de vingt ans de travail (dont une bonne demi-décennie passée directement dans la production), je commence à comprendre que ce qui paraissait tout à fait normal à l'époque… était en réalité l'expression consacrée dans les lois traditionnelles de l'industrie . On ne les appelait simplement pas ainsi.

  • Dire que « les tâches ont été assignées et réalisées dans les délais impartis » n'est rien d'autre qu'une planification basée sur le temps.
  • « La priorisation des références et des processus à volume élevé » n’est rien d’autre qu’une réflexion 80/20 (principe de Pareto).
  • « Améliorer la qualité par des formations et des inspections répétitives » n'est rien d'autre que Six Sigma.
  • « La promotion est généralement liée à l'ancienneté, et non toujours aux compétences » : ce n'est rien d'autre que le principe de Peter.

Ces « principes », ou quel que soit le nom qu'on leur donne, privilégiaient la stabilité à la rapidité. À cette époque, la production manufacturière consistait avant tout à assurer la continuité des opérations, compte tenu des faibles marges et des enjeux importants. Le changement était perçu comme risqué et, naturellement, la tradition primait. La transformation, lorsqu'elle a eu lieu, s'est faite lentement et avec prudence.

Aujourd'hui, à l'ère de l'industrie intelligente , de l'industrie 4.0, voire 5.0, les principes traditionnels sont eux aussi en pleine mutation (c'est du moins mon impression). Je ne crois pas qu'ils disparaissent, mais qu'ils évoluent. Si on les compare attentivement à la nouvelle réalité dans laquelle nous vivons, le tableau est tout autre.

Principe de Parkinson

  • Ancien contexte – Tâches basées sur le temps, sureffectif, temps d'inactivité.
  • Transition vers une production intelligente : l’IA déclenche des flux de travail en temps réel et une production juste-à-temps.
  • Équivalent moderne : « L’automatisation adapte le travail à la demande, et non au temps. »

Principe de Pareto (80/20)

  • Ancien contexte – Accent statique sur les intrants à haut rendement.
  • Transformation intelligente de la production – Les données en temps réel identifient les zones à fort impact en constante évolution.
  • Équivalent New Age – « Les données en temps réel révèlent les 20 % dynamiques. »

Six Sigma

  • Ancien contexte – Contrôle manuel des processus pour la qualité.
  • Transition vers une fabrication intelligente – L’IoT et l’IA surveillent et corrigent les défauts en temps réel.
  • Équivalent nouvelle génération : « L’IA apprend, s’adapte et s’autocorrige pour atteindre l’objectif zéro défaut. »

Principe de Pierre

  • Ancien contexte – Promotions basées sur l’ancienneté = rôles inadaptés.
  • Transition vers une production intelligente : rôles basés sur les compétences, tâches confiées par l’IA et boucles de rétroaction.
  • Équivalent nouvelle génération : « Les rôles intelligents évoluent avec les compétences, et non avec la hiérarchie. »

Connexion entre la nouvelle réalité et l'ERP

Au vu de la comparaison ci-dessus, si l'on observe comment les lois traditionnelles de la fabrication évoluent dans le monde actuel de la fabrication intelligente, il est clair que cette transformation n'est pas seulement philosophique, elle est aussi opérationnelle et fortement axée sur le système .

Ci-dessous, je fais spécifiquement référence à Infor LNCE (car c'est le système que j'utilise), mais honnêtement, je pense que la même logique pourrait s'appliquer à d'autres systèmes ERP modernes.

Loi de Parkinson

Changement de perspective : Déclencheurs en temps réel.

ERP en action : les moteurs de planification avancés ajustent automatiquement la capacité.

Principe de Pareto (80/20)

Changement de perspective : une vision prédictive .

ERP en action : les tableaux de bord suivent les indicateurs clés de performance en temps réel et les tendances des exceptions.

Six Sigma

Changement de perspective : la qualité numérique .

ERP en action : MES + IA + IoT détectent les défauts et suggèrent un plan d'action correctif.

Principe de Pierre

Changement de perspective : Exécution basée sur les compétences.

ERP en action : les espaces de travail basés sur les rôles attribuent les tâches en fonction des compétences, et non du titre.

Si vous pilotez une transformation numérique, la mise en œuvre d'un ERP ou la modernisation de la chaîne d'approvisionnement, il est essentiel de comprendre que la production ne se résume plus à l'efficacité, mais aussi à l'adaptabilité et à la collaboration.


Est-il temps de repenser les lois traditionnelles en matière de fabrication ?

L'usine textile que j'ai connue en 2003 était structurée , hiérarchisée et entièrement basée sur l'expérience . L'usine intelligente d'aujourd'hui est dynamique et numérique . La transition des anciennes ères à l'actuelle ne se résume pas à passer de feuilles de planification manuelles à des progiciels de gestion intégrée (PGI) intelligents. La transformation ne se limite pas aux outils. Il s'agit de repenser notre façon de travailler, de diriger et de créer de la valeur . À l'aube de l'Industrie 4.0 et 5.0 , de nombreux principes de production établis de longue date devront peut-être évoluer .

Au vu de tout cela, on pourrait affirmer que :

« Dans le secteur manufacturier intelligent, la valeur de la production est maximisée lorsque toutes les ressources (hommes, machines et indicateurs) collaborent en temps réel grâce à des tactiques intelligentes (réglage, ajustement, personnalisation) qui permettent d'obtenir un résultat avec un minimum de friction. »


Réflexion finale

Le secteur manufacturier évolue, mais les principes traditionnels en constituent le fondement et restent incontournables. Je ne crois pas que nous puissions les rejeter en affirmant que la nouvelle ère exige de nouveaux principes ; au contraire, nous devons les faire évoluer et les adopter . Qu'il s'agisse de moderniser une usine ancienne ou de construire une usine intelligente de A à Z, il est essentiel de trouver un équilibre entre les apports de la tradition et nos besoins actuels. Il est temps d'aller au-delà de la simple efficacité ; il est temps de nous concentrer sur l' optimisation et l' agilité .

Qu'en pensez-vous ? Ces règles sont-elles encore pertinentes dans les usines intelligentes d'aujourd'hui ? Ou devons-nous en réécrire une grande partie ?

 

Écrit par Amit Kumar

25 avril 2025